It's my life and I do what I want

/web/photos/2013_Itsmylife_spect.pngOn savait que l’art maniait le bluff mais certains ont plus de finesse que d’autres. Tel ce coup de maître signé et joué par deux artistes-corsaires: Guy Dermul et Pierre Sartenaer. Dans une conférence-spectacle, ils ont déterré un artiste injustement méconnu: Willem Kroon, un plasticien et homme de théâtre hollandais du XXe siècle, ami de Beckett, de Grotowski, de l’Arte Povera ... enfin, c’est ce qu’ils nous racontent. Dans une traversée pince-sans-rire, documents à l’appui, les deux comédiens-conférenciers, jouent des extraits des œuvres de Kroon : Adolf/Adolf, The Trenches, Fool on the hill... Autant de saynètes drôles, enfilant le siècle sur ses talons, où l’on croise les Beatles, The Animals, Louis Wolfson (Le Schizo et les langues), le Land Art, les Sudètes! Le tout au détour d’un regard sur le siècle de la Shoah, de la pénicilline, de l’objet jetable et de la Barbie qui parle! Mais la vérité est posée sur un théâtre de faussaires. Car les deux comparses manient ici l’art et le bluff avec brio, dans un alliage très intelligent, sans farce ni attrape, juste selon l’idée que « tout mensonge vit de la part de vérité qu’il contient ». L’art du spectacle atteint parfois des sommets…

It’s my life and I do what I want de et par Guy Dermul et Pierre Sartenaer. Création aux Tanneurs. Une Coproduction du KVS et du Théâtre Les Tanneurs. Reprise au KVS du 5 au 2 février 2013.

de Pierre Sartenaer et Guy Dermul
elu

Le discours à la nation

/web/photos/2013_Discours_à_la_nation.pngLe spectacle avait de bons atouts : le texte et la mise scène signés de l’imparable Ascanio Celestini, l’interprétation par le talentueux David Murgia. Leur Discours à la nation est un bijou de sociologie politique truculent, sorti des sentiers battus, truffé d'anodines histoires, écrites comme une partition musicale, avec couplets et refrains. Première réussite avec un texte qui sautille et passe (faussement) du coq à l'âne. On y parle de guerre et de pluie, de Gramsci et de Lybie, des putes de la Volga, de la fabrication du pain et de la faillite des entreprises ... où Celestini peut évoquer le déterminisme social avec l'histoire d'un homme qui possédait un parapluie (probablement depuis des générations) et un autre qui n'en possédait pas (probablement depuis des générations), tirant ouvertement sur nos sociétés démocratiques, avec ses dominants/dominés. Déjà décoiffant en soi. Autre réussite de l’aventure : David Murgia qui a relevé brillamment le défi de ne pas faire du Celestini, injectant sa propre vitalité au texte, en jouant la parole, plus d'une heure durant, en déplaçant quelques cageots et loupiotes, se posant sur une tribune improvisée, se limant les ongles ou encore s'entrainant à discourir, ce qui nous vaut une scène hilarante démontrant la fabrication séductrice des discours politiques. Une vraie prouesse d'acteur accompagné par Carmelo Presticiacomo, guitare basse et lunettes noires, qui gratte sur cette parole folle, s'arrête sur son pic, reprend au fil des discours de David Murgia, qui se déplace, allègre, sans fausses notes dans un texte ardu, drôle et politique. A raison, le succès populaire s’est vite enclenché. A Avignon, il a remporté le Prix du Public off ! Avec une belle aventure parisienne en perspective pour l’automne 2014.

Discours à la nation d’Ascanio Celestini, mise en scène d’Ascanio Celestini. Création au Théâtre National. Une coproduction du festival de Liège et du Théâtre National avec le soutien de l’Ancre à Charleroi. Reprise au Théâtre national du 26/11 au 14/12, à l’Ancre du 14 au 23/5/2014. Nombreuses dates en tournée. www.theatrenational.be

D'Ascanio Celestini

Nous sommes pareils à des crapauds

/web/photos/2013_Sommes_pareils_a_des_crapauds.pngNe pas se fier au titre à rallonge, emprunté à René Char, et que toute la profession a déjà raccourci à Nous sommes pareils à ces crapauds. Le spectacle des frères Thabet est tout sauf bavard. Somptueux morceau de cirque, accompagné de quatre musiciens, grecs et tunisiens, mariant la période classique du rembétiko grec au répertoire populaire tunisien de Cheikh El Afrit, la pièce de 20 minutes voit une femme (Artémis Stavridi) et deux hommes (Mathurin Bolze et Hedi Thabet) traverser comme autant de costumes la symbolique du mariage. Une parade étrange, un ballet à nul autre pareil qui raconte surtout la fraternité, thème qui résonne avec l’histoire personnelle d’Ali et Hedi Thabet, à la mise en scène. Deux frères, 38 et 36 ans, séparés par deux petites années, mais viscéralement soudés par une de ces cassures que réserve parfois la vie. Un spectacle qui porte haut l’émotion, mais sans jamais être dans une quelconque compassion. L’émotion jaillit de la musique et des corps, réinventant la danse dans une conjugaison qui pourrait être bancale mais s’avère d’une grâce inédite. Il se dégage de ces corps à corps des élans tumultueux, colériques parfois, et en même temps une douce paix comme si les deux frères avaient pu, enfin, prendre à bras-le-corps cette injustice faite à leur jeunesse pour tailler dedans, à vif, et tourner une nouvelle page. C.Ma.

Nous sommes pareils à ces crapauds …, créé au Festival XS du Théâtre National. Une coproduction des Célestins – Théâtre de Lyon et du Théâtre du Rond Point à Paris, avec le soutien du Théâtre National, de La Cascade – PNC Rhône-Alpes et du Bois de l’Aune – Communauté du Pays d’Aix.

d'Ali et Hedi Thabet