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Les Misérables

/web/photos/2015-Les_miserables.pngVous pourriez les rencontrer un matin au marché aux puces, guettant, fouillant, palpant une fourchette rouillée ou un santon en plâtre. Karine Birgé et Marie Delhaye construisent en effet leurs spectacles à partir de ces petits objets sans valeur, témoins oubliés de notre quotidien. Mais leur ambition n’en est pas moins grande pour autant ; après nous avoir conté Carmen et Madame Bovary , les deux fondatrices de la compagnie Karyatides se confrontent aujourd’hui à un autre monument de la littérature classique, Les Misérables de Victor Hugo. Comment faire vivre les 2000 pages de ce roman fleuve sur une scène de théâtre, en 70 minutes, par deux comédiennes ? Cette fois encore, le pari est brillamment réussi. Une table-monde centrale aux multiples transformations figure le lieu du récit : les objets y prennent vie, prolongés par le jeu des comédiennes et accompagnés, en toile de fond, par un écran cyclo aux superbes paysages changeants. Les jeunes (à partir de 9 ans) découvriront dans ce spectacle une histoire au rythme haletant et des personnages attachants, les adultes y apprécieront la vision décalée d’un chef-d’œuvre et les trésors d’imagination déployés par cette formidable équipe. Et tous y liront le subtil dialogue tissé entre cette œuvre du passé et le monde d’aujourd’hui : la pauvreté, l’injustice et l’appel à la révolution ne sont-ils pas furieusement d’actualité ? D.M.

Les Misérables d’après Victor Hugo. Conception, écriture et interprétation : Karine Birgé et Marie Delhaye (Compagnie Karyatides). Mise en scène : Agnès Limbos. Créé au Théâtre de Liège en janvier 2015. En coproduction avec le Théâtre de Liège, le Théâtre Jean Arp et le Festival de Charleville-Mézières.

La petite fille aux allumettes

/web/photos/2015-La_petite_fille_aux_allumettes.pngCombien d’enfants se sont-ils sentis désemparés, à la fin du conte d’Andersen? Ah bon, elle meurt? Mais quand tu dis qu’elle meurt, elle meurt mais pas vraiment, pas vrai? Mais quelle idée de me lire ça maman? Tu veux que je fasse des cauchemars, Papa? Franchement, était-il raisonnable de laisser à un adulte le soin de choisir la fin de l’histoire? Des voix frêles résonnent au bout de "La Petite Fille aux allumettes", un conte tellement triste que les enfants en réinventent la fin. "Et si on appelait le shérif ?" "Si on construisait une cabane ?" Leurs voix enregistrées consolent quand toutes les lumières s’éteignent. Toutes ? Non. Restent celles d’une maison du village miniature, seul artifice, avec un portique de Noël, pour raconter l’histoire de cette fillette morte de faim et de froid au XIXe siècle. Au dix-neuvième ? Pas sûr, selon la lecture intelligente de Julie Annen, un peu à la manière de Joël Pommerat. Avec, en revanche, une remarquable économie de moyens du côté de la mise en scène. Elevée dans une famille de "nouveaux pauvres", la petite fille a quitté son quartier résidentiel pour vivre en camping-car avec ses parents. La neige tombe. Sa maman se meurt. Son père l’envoie chercher des allumettes en ville. Et le conte s'inscrit dans notre époque avec une contemporanéité d'une réelle efficacité. Les quatre talentueux comédiens rivalisent d’ingéniosité pour incarner une dinde cocasse, un poêle flamboyant ou un sapin mirifique et l’humour trouve sa flamme en cette interprétation chorale, émouvante et incandescente…L.B.

La petite fille fille aux allumettes, une création et mise en scène de Julie Annen, créé aux Rencontres théâtre jeune public à Huy. Une co-production “Pan ! (La compagnie), Le Petit Théâtre de Lausanne et le Théâtre AmStramGram”

Au loin

/web/photos/2015-Au_loin.pngAvec Au loin (3 à 7 ans), le tout jeune et tout frais Plastique Palace Théâtre transforme un bête bureau recouvert de livres et de paperasse en hallucinante Odyssée d’Homère. Au départ, rien d’anormal sur ce pupitre de fonctionnaire où bouquine paisiblement Blaise Ludik. Un détail pourtant aurait du nous mettre la puce à l’oreille : un bateau en origami trône parmi les feuilles éparpillées. Et puis soudain, la lecture s’emballe. La lampe de bureau s’anime et les pages d’un livre se déchirent pour laisser apparaître une petite marionnette de papier. Les pages d’un autre livre résonnent d’échos rugissant, entre lion de la jungle et klaxons urbains. Complètement muet, le spectacle laisse très vite deviner que notre petit roi de papier n’est autre qu’Ulysse, déterminé à rejoindre Pénélope et Télémaque, que l’on aperçoit à l’autre bout du bureau, surgissant eux aussi de livres animés posés sur une étagère à documents. Le bureau va devenir une mer aux mille périples. Ulysse se noie dans des feuilles en sables mouvants, vogue dans la tempête parmi des dessins de baleines et pieuvres mythologiques, tente de prendre son envol sur une perforeuse, sanglote un moment sur l’épaule de son Dieu manipulateur, disparaît dans les profondeurs d’un roman et puis s’envole enfin, accroché à un ballon de baudruche, pour retrouver les siens. En 35 minutes top chrono, tout dans ce voyage Au loin fait dériver l’imagination : la mise en scène épurée de Judith Spronck, l’incroyable minutie du décor, entièrement construit de papier, le rapport organique entre la marionnette et le comédien, le souci du détail déposant par exemple un petit point rouge à la place du cœur palpitant, qui plus tard renvoie au ballon rouge qui emmène Ulysse vers son amour. Les lumières et le son achèvent d’en faire un moment de magie pure. C.M.

« Au loin » du Plastique Palace Théâtre, mise en scène de Judith Spronck. Créé aux Rencontres de Théâtre Jeune Public de Huy. En tournée dans toute la Belgique jusque novembre 2015. http://plastiquepalacetheatre.over-blog.com