elu

Vy

/web/Vy.pngCréé et interprété en 2010 par Michèle Nguyen, Vy est le prolongement de A quelques pas d’elle. Seule sur scène, la comédienne / conteuse nous raconte l’histoire de Vy, une petite fille exilée d’un Vietnam lointain. Elle ouvre et parcourt les pages du livre du passé et interprète pour nous son enfance. Lentement, à son rythme, Michèle Nguyen nous parle de sa maladresse, de son besoin de silence, de sa passion des mots, de son secret amour qui la mène vers ses origines, vers la paix aussi. Et c’est une marionnette qui l’accompagne silencieusement dans ce voyage souterrain. Elle est tout autant la fragilité de l’enfance qu’un rien pourrait casser que le vieil enfant qui résiste en nous, tyrannise et tire les ficelles pour ne pas grandir. Le spectacle est modeste par ses dimensions mais touche son public au cœur. Par la puissance des mots et la magie de l’écriture, Michèle Nguyen parvient, avec une admirable simplicité et une présence magnétique, à rythmer son histoire, ménager ses effets, ciseler ses silences et doser l’émotion. Un conte sur l’enfance à vous faire pousser des ailes. Pour ce spectacle, Michèle Nguyen a reçu le Molière 2011 du spectacle Jeune Public. D.C.

Vy à l'Atelier Théâtre de la Vie. Représentations le 17/12 Bruxelles, au Théâtre de la vie, et le 21/3/2012 à la Maison de la Culture de Tournai

de et par Michèle N'Guyen

Rue du croissant

/web/Rue_du_croissant.pngMohamed Ouachen n’est pas un acteur, c’est un caméléon. Rarement a-t-on vu comédien changer ainsi de personnages au quart de seconde, en un haussement de sourcil, un geste infime de la main. C’est qu’en quota de transformations, l’artiste a du pain sur la planche avec le texte de Philippe Blasband : Rue du Croissant. A la manière dont Georges Pérec retraçait la vie d’un immeuble à travers ses habitants dans La vie, mode d’emploi, Philippe Blasband s’est mis en tête de compiler une rue entière. L’auteur a imaginé une centaine de personnages, tous articulés autour d’un évènement survenu dans la rue. Un cri, non identifié. Ou était-ce un râle, un rire ? Que s’est-il passé ? Une agression, un règlement de compte ? Le cri devient un bruit qui court et Mohamed Ouachen galope avec, incarnant chacun des habitants de la rue, réduits à une soixantaine de personnes par David Strosberg, œil extérieur sur ce projet, ce qui laisse tout de même un sacré morceau à se mettre sous la dent pour notre marathonien de comédien. Certes, Mohamed est rompu à l’exercice du solo, lui qui s’est fait une spécialité du one-man show, dont le Djurdjurassique Bled de Fellag, mais sa grande force ici est de ne jamais tomber dans les excès du genre « stand-up ». Il est tour à tour Erika, Martine, Rachid, Dylan, une octogénaire ou une adolescente, un Portugais ou un Slovaque, un dealer de coke ou une bobo française, et même un chat ou un canari. Il jongle avec des dizaines d’accents mais jamais ne tombe dans la caricature. Il saute d’un personnage à l’autre avec une agilité de chat, une délicatesse inouïe, évoluant sur un carré blanc, égayé seulement de deux plantes vertes, rappel décalé de la ribambelle d’intérieurs qu’il visite, parfois le temps d’une simple phrase, parfois s’attardant plus longtemps. Avec sa menue dégaine de moineau tombé de son nid, on se demande où le comédien va puiser cette énergie pour porter l’explosion de cancans colorés : les uns racontent le cri sans avoir rien vu, les autres y voient le prétexte pour parler d’eux, certains s’en foutent, d’autres se cassent une jambe d’avoir voulu aider. C’est la vie telle qu’elle va dans une rue à la fois typique et atypique, « utypique » comme la définit l’auteur, parce qu’elle porte l’utopie d’un métissage vivace. C.M.

Rue du Croissant, créé au Théâtre des Tanneurs, coproduction du KVS, Théâtre des Doms (Avignon). Reprise à Anvers le 8/3/2012 et au KVS en octobre 2012.

de Philippe Blasband par Mohamed Ouachen

Chronique d'une ville épuisée

/web/Chronique_d_une_ville_épuisée.pngSeule en scène, Olivia Carrère, dans Chronique d’une ville épuisée ? Oui. Enfin, oui et non. Seule, sans doute. Mais avec elle-même. Donc doublement seule. Et encore ! Seule en vrai aux côtés de seule en virtuel. Car elle est bien là, sur le plateau, jouant sa citoyenne lambda en proie à la monotonie des jours, en proie à l’ordinaire de la solitude. De plus, la voilà là également en images. Elle est filmée, la pauvre ! mise sous vidéo-surveillance théâtrale pour que les voyeurs de la salle ne manquent pas une miette de son isolement. Livrée en gros plan, de face, de profil, de près, de plus loin, isolée parmi les pièces de son minuscule logement écrasé entre d’autres mini-logis. Peut-être (ce n’est vraiment sûr) saisie en direct ou transmise en différé, comme si le temps était simultanément au présent et au passé. Pas au futur, puisque le personnage incarné par Olivia est trop seul pour en avoir un. Encore et toujours seule. Quoi que… Devant le petit écran de son ordinateur, elle communique avec d’autres solitaires. Par conséquent seule avec des esseulés. Finalement seule en son personnage. Car avant, Olivia ne l’était en aucun cas, ni dans Je lis, ni Zucco, pas davantage dans Shakespeare is dead, get over it ! voire Dirty Week End. Il était temps ; c’est elle qui l’avait avoué : elle adore les monologues. Même muets ? M.V.

Chronique d’une ville épuisée avec Olivia Carrère, texte et mise en scène Fabrice Murgia, création en novembre 2010 à la Maison de la Culture de Tournai, Bruxelles, Théâtre National, Avignon, La Manufacture, Mons Le Manège. Reprise à Courtrai, du 15 au 17/2/2012

de Fabrice Murgia par Olivia Carrère