Le dernier ami

/web/photos/2015-Le_dernier_ami_2.png“Quand mon dernier ami est mort, j’ai quitté le village…”. Prononcé mezza voce par Thierry Lefèvre, son ami de toujours, la première phrase d’un des derniers textes d’Eric Durnez, disparu le 6 juin à 55 ans, a une autre résonance lorsqu'on les entend aux Rencontres de Huy, là où ont été créés tous les textes d'Eric Durnez : Brousailles, Echange Clarinette, Sam, autant de perles qui s'adressent à tous les publics en réalité. C'est aussi vrai, et peut-être plus encore, pour Le dernier ami où l'on reconnaît d'emblée le style Durnez. Avec ses mots choisis, ciselés, singuliers, distillés. Jamais inutiles. Toujours intemporels et universels. Et plus beaux encore dans Le dernier ami parce que l’essentiel se dit entre deux portes, sur le trottoir ou un quai de gare, avant qu’il ne soit trop tard. Un essentiel que Sam a pu dire à son hôte vagabond avant qu’il ne quitte le village. Seul, pieds nus, en casquette et singlet devant une porte de bois brut aux rideaux brodés, Thierry Lefèvre raconte: “Mon dernier ami… c’était aussi le premier. D’ailleurs… Je dis toujours d’ailleurs…” Le ton d’Eric Durnez est donné. Tout en retenue, habité, le comédien plus talentueux que jamais poursuit, avec ses airs d’enfant perdu, et un accent du midi lorsqu’il s’impose, le récit de ce vagabond en quête d’un logement, de cette rencontre improbable avec Sam, un homme étrange et âpre au passé pesant comme on le découvrira par la suite. Un moment de grâce. (L.B)

Le dernier ami d'Eric Durnez, interprété par Thierry Lefèvre, mise en scène de Thierry Lefèvre et Delphine Veggiotti, créé aux Rencontres jeune public de Huy en août 2014 et joué à La Montagne magique. Tournée en Belgique

Vieil

/web/photos/2015-Vieil.pngSeul sur scène, Jean Le Peltier, avec ses allures d’enfant, nous embarque sur les traces d’un couple improbable, une vieille dame et un jeune homme amoureux qui découvrent un géant au pied de leur maison. Armé d’un fusain il nous fait voir, sur un grand papier blanc, un géant blessé, dont le corps est tatoué du savoir de milliers de gens .Le géant réclame un baume invraisemblable qui enverra notre couple à la rencontre d’un vieux philosophe grincheux ou d’un loup au cœur d’artichaut. Ce pourrait être un conte pour enfants mais l’humour et la langue en font la métaphore d’un vieux continent, l’Europe, un géant à terre, qu’on admire sans en ignorer les défauts. On y croise aussi bien Deleuze que des loups qui pleurnichent. Le récit, entre fable et western nous entraîne dans un voyage initiatique en même temps qu’on y raille les réflexes et la vanité des spectacles contemporains. On a adoré ce spectacle hors-normes, épique et chaotique, faussement naïf, où le comédien se moque de lui-même tout en gardant une fraîcheur éblouissante. Jean Le Peltier a un parcours …européen. Né à Fontainebleau, vivant en Belgique, ce presque trentenaire n’a pas fait d’école d’acteurs mais a plutôt étudié la théorie des arts vivants – en arts du spectacle à Rennes et en sciences du théâtre appliqué à l’université de Giessen, là où ont étudié les Rimini Protokoll, autres maîtres de la performance inattendue. On attend avec impatience une «suite» pour 6 personnages, Juste avant la nuit cet automne, toujours à la Balsamine. C.M.

Vieil, de Jean Le Peltier, créé à La Balsamine en octobre 2014 et joué à l'Atelier 210, en novembre 2014

elu

M'appelle Mohamed Ali

/web/photos/2015-M_appelle_Mohamed_Ali.png Un solo interprété par Etienne Minoungou écrit spécialement pour lui par Dieudonné Niangouna, mis en scène en belle sobriété par Jean-Baptiste Hamado Tiemtoré. Trio gagnant ! Sur une scène résumée à une tringle et un tabouret, Minoungou passe et se confronte au boxeur engagé et au comédien de combat qu’il est, très actif  sur les arts de la scène du Burkina Faso où «il faut boxer la situation ». Là, il joue les discours uppercut de Cassius Clay, là, il boxe le théâtre contemporain, notamment africain. Du verbe haut en couleurs, distancié par la sympathie de l’acteur qui se raconte, tout masque enlevé, bluffant de ressemblance avec le célèbre boxeur!  Un solo vif, schizo, pudique et frontal. De la bel ouvrage.N.A.

« M’appelle Mohamed Ali » de Dieudonné Niangouna, mis en scène par Jean-Baptiste Tiemtoré, interprété par Etienne Minoungou. Production de La Charge du Rhinocéros. Créé en France, première belge au Théâtre Le Public en janvier 2015.  En tournée